a Ville Basse déborde d'activité et décolle sur le plan économique au cours des siècles, tandis que la Cité reste le siège des pouvoirs politiques et religieux, et place forte militaire.

Mais les progrès de l'armement, en particulier le développement de l'artillerie, des canons, vont petit à petit rendre ses hautes murailles obsolètes, et mal adaptées au nouveau type de guerre. Il n'y a qu'à voir les fortifications du 17e siècle élaborées par Vauban un peu partout en France, épaisses et basses, souvent à moitié enterrées… Rien à voir avec ces hautes tours, ces meurtrières et ces crénelages…

Le Traité des Pyrénées de 1659 porte un coup très dur à Carcassonne, et tout particulièrement à la Cité, qui perd son importance stratégique avec le recul de la frontière au-delà des Pyrénées et du Roussillon.

Au 18e siècle, la Cité est devenue un quartier misérable et excentré. Saint Nazaire perd son titre de cathédrale en 1802 au profit de Saint Michel, les évêques séjournaient de toute manière le plus souvent en Ville Basse depuis déjà des années. L'armée abandonne sa tutelle sur la Cité en 1804, c'est la débandade !

Les toitures se délabrent peu à peu, les murs se lézardent, les habitants de la Cité n'hésitent pas à utiliser les murailles comme carrières de pierre pour leur utilisation personnelle… et l'Administration des Domaines, dont dépend désormais la Cité, vend nombre de parcelles.

Un lent changement de mentalité va heureusement permettre de sauver le monument. En 1821, alors qu'on démolit la barbacane du château, la Cité est classée "Place forte de deuxième série" par ordonnance royale.

Prosper Mérimée, Inspecteur Général des Monuments Historiques, visite les lieux, et publie en 1834 ses "Notes de voyages", dans lesquelles il décrit la Cité comme un monument splendide du Moyen-Âge.

C'est grâce à l'action d'érudits locaux, comme Jean-Pierre Cros-Mayrevieille, et la Société des Arts et Sciences de Carcassonne fondée en 1836 qu'elle est revalorisée.

La Basilique Saint Nazaire est classée Monument Historique en 1840, les fortifications le sont en 1849.

Les travaux de restauration débutent dès 1845 sur la Basilique (ils dureront jusqu'en 1867), et sont confiés au célèbre architecte Eugène Viollet le Duc.

Mais l'histoire de Carcassonne est digne des meilleurs feuilletons à suspens… Si la Basilique est réhabilitée, l'ensemble de la Cité n'est pas sauvé pour autant… Par décret de Bonaparte en juillet 1850, la Cité est à nouveau déclassée comme place militaire, et retombe sous la tutelle de l'Administration des Domaines. Retour donc à la case départ, et à la situation du début du siècle ! Levée de boucliers de la part de la municipalité de Carcassonne, consciente cette fois de l'intérêt unique du monument, le décret est reporté dès le mois d'août 1850 ! Ouf ! ! !

Les travaux démarrent en 1853, le but affiché par Viollet le Duc étant la restitution des fortifications selon leur architecture d'origine… ou supposée telle.

C'est tout le front Ouest, visible depuis la Ville Basse qui est restauré en premier, le reste suit petit à petit, les Lices dégagées de leurs maisons, les propriétaires expropriés. Ces chantiers titanesques dureront des dizaines d'années, mais ne portent selon les spécialistes que sur environ 20% de l'ensemble (ce qui est déjà énorme, vue la taille de la Cité !).

La restauration de l'enceinte extérieure est achevée en 1902.

La Cité est donc bien un concentré d'histoire de l'architecture depuis deux millénaires, et non pas, comme on le lit parfois, le fruit de l'imagination débordante d'un architecte du 19e siècle empreint de romantisme.

Carcassonne, ce n'est pas un château de Louis II de Bavière, comme Neuschwanstein, incroyable pastiche néo-gothique kitschissime pseudo médiéval, construit de toute pièce il y a un siècle...

De toute façon, il suffit de regarder les anciennes photos prises dans les années 1860 avant le début des travaux, pour se rendre compte de l'état de la Cité à l'époque, et l'on voit bien, que ces travaux, pour impressionnants qu'ils soient, n'ont pas refait à neuf un ensemble dont il ne serait resté que quelques cailloux.. Un œil averti remarquera aussi en se baladant le long des murailles les différences de couleur et de "texture" entre les pierres "médiévales", et les pierres remises en place au 19e siècle par Viollet le Duc.

 

 

Les réhabilitation n'ont concerné la plupart du temps que les crénelages et les toitures. On pourra contester tout ce qu'on voudra dans ces travaux de grande ampleur… oui, il y a eu quelques erreurs (des toits pointus en ardoise, dans un pays de tuile canale, le clocher crénelé de Saint Nazaire, etc…), mais si l'ami Viollet n'était pas passé par là, qu'aurions-nous aujourd'hui à admirer ? ? ?
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